Buenos Aires : retour en ville
Du 25 au 30 mars
Arrivée à Buenos Aires : chaleur et bruit
Notre vol Ushuaïa-Buenos Aires s’est effectué sans encombre et nous récupérons particulièrement rapidement nos bagages avant de prendre un taxi. Le conducteur, assez bavard, nous vend les mérites de la ville lorsque Thomas l’interrompt : en une minute, le compteur est passé de 80 à 160 pesos ! Il en informe le chauffeur qui, mise en scène ou réalité, tapote sa machine et nous dit qu’il y a effectivement un problème. Nous arrivons à bon port et payons 110 pesos, soit le prix normal pour une course entre l’aéroport et le centre-ville.
Notre auberge est dans le quartier Recoleta, un des quartiers huppés de la capitale argentine. Elle se situe dans un immeuble du début du siècle dernier et toutes les chambres donnent sur la cours intérieure, à ciel ouvert. Nous aurons la malchance de découvrir que cette spécificité architecturale en fait une prodigieuse caisse de résonance : si des personnes discutent en bas, tout le monde entend ! Mais pour l’instant, nous ne le savons pas encore et nous nous contentons de déposer nos sacs dans le dortoir de 4, que nous partageons avec deux américains. Puis nous allons déguster une pizza dans le restaurant d’à côté. Cela faisait bien une semaine que Thomas rêvait de pizza et, par chance, la pizzeria est bonne ! Au point que des mariés y débarquent en tenue avec une quinzaine d’invités.
Après ce bon repas, nous regagnons nos pénates et le cauchemard commence : il fait chaud (25 degrés versus 13 à Ushuaia) et surtout, certains résidents sèment la pagaille dans l’auberge. Éclats de voix, musique à fond, raclements de chaises et tables métalliques, la totale.Il est déjà 1h30 du matin lorsque Thomas se lève pour aller voir le réceptionniste, qui ne joue pas du tout le rôle de garde chiourme… Cela se calme vers 2h30, mais vers 4h, d’autres personnes commencent à discuter et enfin à 7h, les lève-tôts s’activent . Avec tout cela, nous sommes bien fatigués et notre première activité de la matinée est de trouver un autre logement, sachant que nous avons quand même une deuxième nuit réservée dans cette même auberge.
Jour 1 : découverte de San Telmo et de la Boca
Nous sortons de l’auberge vers midi pour explorer cette grande ville de 3 millions d’habitants intra muros et 13 millions avec son agglomération, soit la même marée humaine qu’à Paris. Nous ne nous attendions à rien de spécial, car seul le nom de cette capitale nous était familier. Et encore ! Son nom initial est Puerto Nuestra Señora Santa Maria del Buen Aire, qui le savait ? Elle fut fondée en 1536 par Pedro de Mendoza y Luján, espagnol, qui mourut un an après en mer. 20 000 habitants animaient ses rues en 1776, lorsqu’elle devint la capitale de la vice-royauté. Elle fut déclarée capitale du pays en 1880 et accueillit de nombreux migrants.
Suite à notre séjour à Santiago, nous avions cependant des légères appréhensions quant à notre capacité à aimer une grande ville sud-américaine, d’autant que cela fait un bon mois que nous sommes en pleine nature.
C’est donc d’un pas fatigué et mitigé que nous nous dirigeons vers le quartier de San Telmo via le Microcentro. Nous passons notamment devant le siège de la présidence, qui domine la place de mai avec sa couleur rose. Pourquoi rose ? Les théories sont multiples : mélange du rouge des Fédéralistes et du blanc des Unitaristes ou utilisation de sang de boeuf dans la peinture, pratique courante à la fin du XIXe siècle. Autre point fort du Microcentro, la Plaza de Mayo, lieu de rassemblements et de manifestations. C’est d’ailleurs sur cette place que les Mères de la Place de Mai se réunissent hebdomadairement depuis 30 ans à la mémoire des disparus sous la junte militaire entre 1976 et 1983.
Nous continuons notre exploration et force est de constater que, même si certaines artères alignent jusqu’à 11 voies, la ville est assez verte et aérée car elle est régulièrement agrémentée de grands parcs. Autre point positif, elle comprend assez peu de grattes-ciels. Il s’agit plutôt d’un alignement d’immeubles de tailles moyennes, un peu comme à Paris, dont certains sont en pierres de taille. Néanmoins, c’est une grande ville, avec son agitation et son bruit perpétuel. Cela nous change bien de la Patagonie, sauvage et puissante, où seuls résonnent les échos des glaciers, des eaux tumultueuses et des rapaces.
Nous traversons ensuite le quartier de San Telmo dont une des rues est animée par un marché artisanal, sur quelques centaines de mètres, quand même. On y trouve toute sorte de menus objets décoratifs, plus ou moins dédiés aux touristes, tels des magnets, des ponchos, des portes clés et bien sûr des tonnes de bijoux. Donc, oui, j’ai une paire de boucles d’oreilles en plus, mais j’ai le droit à une paire par pays visité !
Il est 15h lorsque nous émergeons de la foule et nos estomacs se manifestent. Après de longues hésitations, nous entrons dans un café qui s’avère être une des institutions de la ville, ouvert depuis début 1900. Le serveur nous a rappelé Paris : peu affable, il jette la carte sur la table, prend la commande en un grognement et fait tout en traînant les pieds. La nourriture est bonne, c’est le principal et nous sortons d’attaque pour explorer le quartier de La Boca.
Ce dernier est potentiellement l’une des zones malfamées de Buenos Aires et effectivement, il a l’air un peu plus pauvre. Paradoxalement, c’est ici que ce trouve le Caminito, deux ruelles hyper touristiques avec maisons colorées, restaurants avec rabatteurs, danseurs de tango, artistes de rue… c’est extrêmement animé et cela fait complètement artificiel.
Après quelques photos, nous rentrons à l’auberge et y attendons un argentin, ancien collègue de Thomas, Lucas. Il est de retour au pays pour terminer ses études après son stage en France. En attendant, il nous conduit dans un bar qui brasse sa propre bière. Notre point faible est décidément connu de tous ! Nous accompagnons notre verre d’une assiette de frites préparées selon la recette locale : avec du cheddar fondu, du bacon et des jeunes oignons.
La soirée se termine par une petite balade digestive et nous regagnons nos pénates en nous demandant si nous pourrons dormir. La réponse est positive ! Tout est calme et la chambre est à nous, ouf.
Jour 2 : déménagement et balade dans Recoleta
La nuit fut paisible et nous prenons notre petit déjeuner de meilleur humeur que la veille avant de faire nos sacs.
Nous décidons de rejoindre à pied notre nouveau logement, dans le quartier Congreso. Mais avant nous passons devant une des parillas, restaurant à viande, pour regarder le menu . Ce soir, nous mangeons avec un ami Erasmus et sa compagne et nous cherchons désespérément un endroit abordable. Les prix flambent en Argentine et c’est particulièrement vrai pour les parillas réputées : les prix mentionnés dans les guides tournent autour de 200 pesos alors qu’en réalité c’est entre 400 et 700 ! Toujours est-il que l’adresse devant laquelle nous passons propose des tarifs acceptables, que nous prenons en photo pour envoyer à nos amis.
35 minutes plus tard, nous arrivons au Airbnb, dans une vieille maison bourgeoise. La rue est bruyante en journée, mais la chambre spacieuse et avec salle de bain. Cela nous va. Nous y déjeunons puis nous dirigeons vers la gare routière pour acheter nos billets vers Iguazú. La gare est immense et il y a bien une centaine de guichets alignés. C’est parti pour l’analyse des prix… 1500 pesos le tarif officiel mais chacun y va de sa réduction. 3 agences se détachent du lot avec des offres à 1050, 1053 et 1055 pesos. Banco pour les 1050 pesos. En fait, nous nous retrouvons avec des billets pour un prestataire différent, qui lui-même vendait les billets à 1200 pesos. Bref, on a nos places et l’on quitte vite fait cette gare aux alentours assez glauques.
Après un passage éclair par la place du général libérateur San Martín où trône sa statue, nous partons d’un bon pas vers Recoleta pour explorer quelques rues et surtout le cimetière, l’un des immanquables de la visite de la ville d’après notre guide. Il n’est pas très grand, mais les mausolées s’alignent dans toutes les directions, plus ou moins sculptés et plus ou moins modernes. Nous y passons un moment agréable, surtout que comme il ferme ses portes bientôt, le gros des touristes des déjà parti (et je ne parle pas d’Obélix). L’une des tombes attire plus spécialement touristes et locaux : celle d’Eva Duarte, actrice mariée à l’homme politique Juan Perón. Elle poussa celui-ci dans sa carrière politique et il devint président en 1946. Elle lui a notamment soufflé de nombreuses actions en faveur du peuple et des femmes, qui obtiennent ainsi le droit de vote en 1947. Perón est élu pour un deuxième mandat, mais Eva meurt pendant cette période, à l’âge de 33 ans. Perón est renversé par un coup d’état militaire en 1955. La période qui suit est extrêmement sombre, marquée par des grèves et une guérilla armée. Perón revient au pouvoir en 1973 mais meurt en 1974. Le péronisme a fait son temps, avec autant d’adeptes que d’opposants mais Eva reste encore aujourd’hui un symbole pour les argentins. C’est d’ailleurs une des seules tombes fleuries du cimetière. On entre alors dans la période dite de la guerre sale : tous les opposants au nouveau régime sont traqués et ainsi, des milliers de personnes disparaissent entre 1976 et 1983. Le nombre exacte n’est pas connu et oscille entre 10 000 et 30 000 disparus. Depuis, tous les jeudis, les mères se rassemblent et réclament la vérité sur ce triste chapitre.
Nous sortons de cet espace calme pour rejoindre l’agitation urbaine. Nous faisons un aller-retour rapide “à la maison” puis rejoignons Sam et Aulde pour un bon repas. Nous échangeons nos expériences et astuces de voyage car ils sont également sur les routes sud-américaines depuis 4 mois. Par contre, il leur reste encore 7 mois pour explorer le territoire, alors que nous commençons à compter les semaines. Le temps de se raconter tout cela, il est déjà minuit !
Jour 3 : exploration de Palermo
En ville, nous ne sommes pas du matin. Certains diront qu’en randonnée non plus… toujours est-il que nous sortons au soleil vers 12h30 pour regagner en bus le quartier de Palermo. Ce quartier est à la mode, assez chic, avec resto et bars branchés. En tout cas, je m’y sens tout de suite bien car il y a plein de grands parcs ! On aperçoit les girafes du zoo avant de rejoindre le parc 3 de Febrero et sa magnifique roseraie. Nous passons ainsi de Palermo Hollywood à Palermo Soho, la vieille ville, tout aussi branchée. Les immeubles font rarement plus de deux étages et les petites boutiques s’alternent avec les resto. Comme il est 15h, nous avons faim, nous nous décidons pour une spécialité argentine : le pancho. Il s’agit d’un hot dog avec sauce au choix, l’originalité résidant dans ces sauces. Ce n’est pas très fin, mais ça cale.
Plaza Serrano nous rejoignons Julie, arrivée un jour après nous en ville, pour une glace, puis une balade, puis un verre (de bière artisanale), puis un très bon burger-frites chez Burger Joint. Nous passons une excellente soirée puis nos lits nous appellent.
Jour 4 : Puerto Madero
Ce matin, nous nous acharnons contre le Wi-Fi, déjà hasardeux les autres jours mais complètement récalcitrant pour le moment. Nous qui voulions mettre à jour le blog, c’est raté ! A défaut, nous nous préparons un bon déjeuner et quittons l’immeuble après avoir étendu la lessive au soleil, sur les coups de 14h30. Il nous reste un quartier à explorer et nous sommes censés voir Flor et Natacha, les argentines de Bariloche, ce soir. Oui, même à l’autre bout du monde, tous nos soirs sont pris !
Nous nous rendons à pied à Puerto Madero, un bel endroit de la ville. Les quais sont aménagés et même si l’on voit des tours, elles sont belles et assez espacées. Nous en profitons pour visiter le navire-école de la Marine, la frégate Sarmiento. Le bateau a parcouru les mers de 1899 à 1938, en passant plusieurs fois par la France. La visite a l’air intéressante et le coût d’entrée plus que modique (10 pesos, 60 centimes) : nous voilà sur le ponton. Impossible de hisser les voiles mais c’est bien sympa d’être à bord et cela nous rappelle Brest 2016. Quelques panneaux expliquent les différentes pièces traversées, nous voyons le salon de coiffure, la cuisine, la cabine de pilotage et quelques maquettes présentant les appartements du capitaine.
De retour sur la terre ferme, nous passons par le pont des femmes, censés représenter un couple de danseurs de tango mais nous manquons d’imagination probablement car nous sommes bien incapables de le visualiser. Cela nous mène au parc écologique, une zone naturelle protégée ou nous devrions pouvoir observer tout un tas d’oiseaux. A défaut d’en voir beaucoup, cela nous fait une balade dans la nature et c’est agréable.
Au passage, on trouve un point Wi-Fi pour valider le lieu de rendez-vous avec les filles mais elles ne sont plus dispo. Il faut dire qu’elles sont rentrées il y a deux jours à peine après deux mois d’absence et du coup, amis et parents les sollicitent. C’est dommage pour nous, mais nous comprenons… on mangera à l’appartement en tête à tête ce soir.
Jour 5 : sacs et bus
Notre séjour à la capitale touche à sa fin. Nous plions bagage et nous rendons au terminal de bus où nous retrouvons Julie, qui se rend également à Iguazú.
Le bus part à l’heure, 13h30. Il est maintenant 22h et je termine cet article. Nous arriverons à 7h du matin à Puerto Iguazú, pour une bonne douche !